Dans l'inconscient collectif, le lierre est une liane parasite qui vit sur les arbres à leurs dépens, jusqu'à les faire mourir. Du point de vue botanique, c'est totalement faux puisqu'il s'agit, au contraire, d'une relation symbiotique très favorable à ces derniers. Le temps de la réhabilitation est peut-être venu...
Le raisonnement, implacable, est toujours le même : « mon arbre était couvert de lierre, or mon arbre est mort, donc le lierre a tué mon arbre ». Voilà un syllogisme que n'aurait sans doute pas renié Aristote, mais dont la logique est scientifiquement douteuse. D'abord parce que l'inverse est encore plus valable : « mon arbre n'était pas couvert de lierre, or mon arbre est mort, donc le lierre n'a pas tué mon arbre ». Non, le lierre n'est pas le bourreau des arbres, et il est grand temps de le clamer haut et fort !
Une double vie
Le lierre (Hedera helix) est une liane arborescente de la famille des araliacées dont il est l'unique représentant en Europe. Tant qu'il est jeune, c'est une plante rampante au feuillage étoilé qui, à l'inverse de la plupart des végétaux, n'est pas attirée par la lumière, mais par l'ombre dense. Celle-ci traduit en effet la présence d'un arbre, et donc d'un support sur lequel le lierre va pouvoir grimper. Lorsqu'il entame l'ascension du tronc, il se transforme : son feuillage s'ovalise, il devient rapidement mature et peut commencer à produire des fleurs et des fruits.
Parasite, moi ? Jamais !
Le lierre n'est pas une plante parasite car il ne vit pas aux dépens de son support. Il se nourrit à partir de ses propres racines et fabrique la photosynthèse dont il a besoin grâce à son feuillage. Ses tiges sont recouvertes de milliers de crampons, eux-mêmes munis de centaines de poches à glu qui lui permettent de s'accrocher au tronc. En aucun cas, ces crampons ne lui servent à sucer la sève de l'arbre. D'autre part, il suffit d'observer les forêts pour s'apercevoir qu'une fois sa taille adulte atteinte, le lierre se maintient toujours sous la canopée et ne recouvre jamais le feuillage de l'arbre. Il craint trop le soleil pour cela. Enfin, le lierre est capable de desserrer son étreinte à mesure que la circonférence du tronc augmente. Il n'étrangle donc jamais son support.
Au service de l'arbre
Le lierre et l'arbre mènent une vie symbiotique où chacun rend des services à l'autre, et ceux qui sont rendus par le lierre sont nombreux. Ainsi, son feuillage dense et ses tiges anfractueuses offrent le gîte à de très nombreux insectes, dont beaucoup d'auxiliaires (chrysopes…), qui peuvent défendre l'arbre dès l'apparition du moindre ravageur. Grâce à son feuillage persistant, il constitue également une excellente protection contre le gel, lui-même étant capable de résister jusqu'à – 25°C. Lorsqu'en fin d'hiver il produit ses petits fruits noirs, il offre une nourriture providentielle aux oiseaux (grive, geais, merles, passereaux…). Ceux-ci, grâce à leurs déjections qui vont se déposer sur le sol vont nourrir l'arbre en azote au moment crucial de la reprise de la végétation de fin d'hiver. Enfin, le lierre sécrète un exsudat riche en terpène dont les propriétés fongistatiques contribuent à protéger l'arbre contre la prolifération des champignons pathogènes.
Des intérêts pour le jardinier
Ses fleurs, discrètes, qui apparaissent durant l'automne quand les floraisons sont rares, régalent de pollen et de nectar près de deux cents espèces d'insectes différents, dont bien sûr les abeilles domestiques qui ont grand besoin de faire des réserves en prévision de l'hiver.