Pour un jardinier, le nom de « laurier » est ambigu et source de confusion. En effet, une dizaine de plantes contiennent ce mot dans leur nom vernaculaire sans avoir autre chose en commun. Voilà un terme qu'il s'agit donc de manipuler avec prudence car si l'une d'entre elles est une aromatique bien connue, d'autres sont très toxiques !
Autant que les apparences, les appellations sont parfois trompeuses. Ainsi existe-t-il dans les jardins près d'une dizaine de « lauriers ceci » ou « laurier cela » qui n'ont pas grand-chose à voir entre eux, sinon cette identité usurpée au noble laurier de référence, celui dont on fait des sauces. Tiens, au fait ! Napoléon savait-il en se sacrant lui-même d'une couronne de feuilles de laurier d'or, qu'il se ceignait le front avec un vulgaire bouquet garni, comme on parfume un gigot avant de le faire cuire ? Gageons que dans l'euphorie du moment, la métaphore sous-jacente aura échappé à l'empereur.
Une seule plante et déjà plusieurs noms
Le laurier type, celui qui est utilisé en cuisine en tant qu'aromate, est le bien nommé laurier-sauce. Son nom latin Laurus nobilis est repris dans son autre nom vernaculaire de laurier noble, qui fait référence à l'usage qu'en faisaient les Grecs et les Romains pour couronner les vainqueurs. C'est aussi lui que l'on nomme laurier d'Apollon. Originaire du bassin méditerranéen, le laurier-sauce est un grand arbuste à feuillage persistant et coriace, pouvant atteindre plus de dix mètres s'il n'est jamais taillé, très utile pour faire des haies opaques. Le vrai laurier, c'est lui !
Les usurpateurs
D'autres plantes du jardin sont également appelées « laurier », même si aucune d'entre elles n'appartient à la même famille. C'est l'apparence ou la texture du feuillage qui leur ont valu cet emprunt de nomenclature. Seul le nom botanique, en latin, permet au jardinier de les distinguer sans discussion. C'est d'autant plus important que certaines d'entre elles sont extrêmement toxiques. Le laurier-rose (Nerium oleander) est le fameux arbuste à fleur du sud de la France. C'est une belle plante décorative à la longue floraison décorative rose, mais aussi fuchsia, blanche, rouge, jaune, saumon… Voilà décidément un nom trompeur, car toute la plante est très toxique, des feuilles jusqu'aux fleurs. Le laurier-cerise (Prunus laurocerasus) est l'un des arbustes les plus utilisés pour créer des haies séparatives. On l'appelle également laurier-amande, laurier palme et parfois laurier de Trébizonde. Il est très répandu dans les jardins, alors qu'il est aussi très toxique, notamment pour le bétail. Ses feuilles sont plus larges et épaisses que le laurier-sauce et dégagent un parfum d'amande. On trouve également le laurier-tin (Viburnum tinus), aussi appelé viorne-tin ou laurentin. Cet un arbuste à croissance relativement lente et à la floraison précoce est encore une plante de haie. Son feuillage est plus ovalisant et moins coriace. Enfin, le laurier du Portugal (Prunus lusitanica) est de la même famille que le laurier-cerise. Il est un peu frileux, sa croissance est moyenne et son port est assez élégant grâce à l'écorce rougeoyante de ses jeunes rameaux et ses feuilles persistantes luisantes.
Et d'autres encore !
Il reste encore sur la liste le laurier des bois, de son vrai nom Daphné lauréole (Daphne laureola), le laurier d'Alexandrie également appelé fragon (Danae racemosa) aux baies semblables au houx, et le laurier des montagnes, qui est en fait le rhododendron ferrugineux (Rhododendron ferrugineum). Rien à voir !
Même chez les arbres
Le laurier de Californie (Umbellularia californica) est un arbre pouvant atteindre trente mètres, au port tourmenté très original. Sa tolérance aux embruns et sa rusticité moyenne le destinent en priorité aux jardins du littoral.
