À mi-chemin entre caducité et persistance, les arbres à feuillage marcescent gardent sur les branches une grande partie de leurs feuilles mortes pendant l'hiver. C'est une « troisième voie » intéressante à explorer dans le jardin.
Comme la garde qui meurt, mais ne se rend pas, la feuille marcescente semble répondre à l'hiver qui la somme de tomber, le fameux mot de Cambronne. Car oui, malgré une fanaison patente, elle reste accrochée à sa branche, elle meurt mais ne tombe pas jusqu'au printemps suivant. On pourrait être tenté, par anthropomorphisme, de faire un parallèle avec les hommes chenus dont les cheveux blanchissent. Mais l'entreprise est vaine car si chez nous autres humains, le sel qui gagne sur le poivre naît sur les crânes anciens, la marcescence est un phénomène qui a tendance, chez les arbres, à s'estomper avec l'âge.
Touchées mais pas coulées
Tirant son nom du latin « marcescere » qui signifie « se faner, se flétrir », la marcescence est une particularité propre à certains arbres caducs. Elle se caractérise par le maintien durant l'hiver des feuilles mortes dans la ramure. Ce phénomène est dû à l'absence de zone d'abscission entre le pétiole (la « tige » de la feuille) et le bois du rameau. Or, c'est habituellement cette zone dont la résistance s'affaiblit à mesure du flétrissement d'automne, qui permet le détachement et la chute. Même si une partie des feuilles marcescentes peuvent être décrochées par le vent, la pluie ou la neige durant l'hiver, la grande majorité du feuillage reste en place jusqu'à l'apparition des nouvelles feuilles de printemps qui, elles, le feront enfin tomber.
Peu d'élus
En France, les arbres marcescents appartiennent à l'ordre des Fagales, dont le hêtre, le charme et certaines espèces de châtaignier et de chêne. Ce particularisme a tendance à se réduire à mesure que les arbres vieillissent, quand apparaissent, avec l'âge, des zones d'abscission à la base des feuilles. Il peut néanmoins rester prégnant sur les parties basses des arbres.
Un feuillage à exploiter
Tandis que les arbres caducs ont perdu leurs feuilles et que les persistants, dans un vert monotone, ont conservé les leurs, les arbres marcescents apportent une touche de couleur hivernale au jardin. Proches du brun plus ou moins bronzé, ils structurent les perspectives en créant des formes colorées inattendues, nuancées par les tons et les formes des feuilles selon les espèces. Le bruit que génère le froissement des feuilles sèches secouées par le vent dans une étrange animation sonore est lui aussi assez dynamisant. L'utilisation la plus courante de la marcescence au jardin est la charmille, cette petite haie de charmes maintenus bas par la taille, dont l'opacité forme des brise-vues verts en saison et bruns en hiver.
Les autres types de marcescences
Outre la marcescence des feuilles, d'autres végétaux peuvent garder durant l'hiver leurs fleurs, leurs fruits ou leurs tiges. Toutes ces reliques végétales, mortes mais encore présentes, ont des intérêts décoratifs indéniables. C'est le cas des inflorescences fanées des hortensias ou des phlomis sublimées par le gel, des panicules sèches et des longues feuilles brunes des graminées agitées par le vent, ou encore des petites boules de Noël que forment les innombrables drupes sèches du Melia azedarach.