Les plantes dont la sève est irritante peuvent causer de sévères brûlures aux personnes qui les manipulent sans précautions. Manches longues, pantalon et gants sont donc de rigueur, ainsi qu'une stricte surveillance de ses faits et gestes, afin de ne pas, au détour d'un geste anodin, se tartiner le visage de ce liquide corrosif.
La sève épaisse de l'euphorbe corse est réputée irritante, mais c'est un doux euphémisme : elle cause de graves brûlures cutanées. Une fois n'est pas coutume, je vais écrire cet article à la première personne afin de vous partager mon humble expérience de jardinier professionnel et de vous éviter la funeste péripétie qui fut la mienne.
Un faux air de petit ange
Dans le cadre d'un nettoyage de jardin, j'ai été amené à arracher plusieurs dizaines de pieds d'euphorbe corse afin de dégager un talus sur lequel son aptitude à se ressemer faisait merveille. L'euphorbe corse est une charmante petite plante basse à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession. Son feuillage charnu d'un gris presque bleu, de forme ovale pointue, n'est pas sans rappeler celui du myrte, ou « myrse » en grec ancien, d'où son nom scientifique d'Euphorbia myrsinites. Adaptée aux terrains secs et pauvres où elle prolifère sans entretien, elle fleurit joliment au printemps, portée par l'éclat, non de ses petites fleurs discrètes, mais des bractées jaunes qui les enserrent.
Aux innocents les mains pleines
Chez les euphorbes, comme chez bon nombre de plantes phytotoxiques du jardin (glycine, jasmin étoilé, figuier…), la sève épaisse prend l'aspect d'un latex blanc. C'est généralement le signe d'une relative toxicité dont je ne me suis pas méfié ce jour-là. Tout dépourvu de gants que j'étais, la faute à un mauvais réassort, je dus travailler à mains nues, alors que je causai, par mes gestes alertes, de larges effusions de sève. Puisqu'il faisait chaud, je bus beaucoup et je n'en transpirai pas moins. Je me revois encore m'essuyer plusieurs fois le visage. Puis, le devoir accompli, je rentrai chez moi, après avoir, évidemment, pris la peine de me laver les mains.
Au feu !
La toxicité de la sève agit au bout de six à huit heures, provoquant des sensations de brûlure et des gonflements épidermiques. La nuit fut difficile et je me réveillai le lendemain avec le visage bouffi du boxeur qui aurait fait le combat de trop. Le diagnostic du médecin, horrifié, fut sans appel : brûlures au deuxième degré de la partie supérieure du visage. Une perfusion d'antihistaminique et cinq jours de traitements antibiotiques plus tard, j'avais enfin entièrement dégonflé… Heureusement, je n'avais rien porté à la bouche et je ne m'étais pas frotté les yeux, car c'est au niveau des muqueuses que les dégâts s'avèrent réellement dangereux.