Vigoureux et parfumé, l'estragon se cultive facilement à partir de plants issus de boutures. C'est en effet l'une des rares fines herbes que l'on ne peut pas multiplier par semis car ses fleurs sont stériles. Les sachets de graines d'estragon du commerce proviennent donc d'espèces distinctes dont le goût est bien différent.
Bien sûr, pour nous les jardiniers, âmes férues de culture dans tous les sens du terme, quand on parle d'estragon on pense d'abord à la pièce de Beckett En attendant Godot. Ah ! Triste Estragon, incarnation du pessimisme qui ramène sans cesse, par ses interventions lapidaires, le spectateur au cœur du sujet de la pièce : l'ennui. Mais oublions pour un temps les belles lettres et retournons à nos plates-bandes. Car l'estragon, c'est aussi une herbe aromatique.
Un petit buisson parfumé
Contrairement à la plupart des fines herbes qu'il faut ressemer chaque année, l'estragon (Artemisia dracunculus) est une plante arbustive vivace, qui peut rester en place plusieurs années. Il se satisfait de la plupart des sols et s'avère donc assez simple à cultiver. Si c'est évidemment dans la pleine terre qu'il donne les meilleurs rendements, il supporte bien la culture en pot sur les balcons et les terrasses, en situation ensoleillée.
En cuisine
Subtile, la saveur anisée de l'estragon parfume les poissons, les fruits de mer et les viandes, relève les plats de l'entrée jusqu'au dessert et donne aux sauces béarnaises, gribiches ou ravigotes tout leur relief. L'estragon est aussi un exhausteur de goût qui contribue à corriger la fadeur des régimes sans sel. Toutefois, son goût puissant requiert d'être utilisé avec parcimonie.
La récolte
Vigoureux, l'estragon peut atteindre les dimensions d'un buisson en l'espace d'une saison. Un seul pied suffit donc généralement à la maisonnée. On en récolte les feuilles au gré des besoins, du printemps à l'automne. Puisqu'aux premières gelées le feuillage sèche, il est judicieux d'en prélever toutes les feuilles auparavant. Pour les conserver, mieux vaut les congeler après les avoir ciselées plutôt que de les faire sécher, car elles perdent au passage l'essentiel de leurs arômes. Si l'hiver n'est pas trop rigoureux, et si vous prenez soin de pailler la souche, l'estragon renaît de ses cendres à chaque printemps.
L'original et ses copies
L'estragon dit "français" produit des fleurs le plus souvent stériles. Ce n'est donc pas par semis, mais par bouturage ou division de souche qu'on le multiplie. Alors méfiez-vous des sachets de graines que l'on trouve dans le commerce, car il s'agit généralement d'espèces distinctes, comme l'estragon de Russie (Artemisia dracunculoides), un très proche cousin au goût bien plus fade. Quant à l'estragon du Mexique (Tagetes lucida), c'est en réalité un tagète, à l'instar de l'œillet d'Inde, dont le parfum d'anis est très prononcé et sensiblement différent.
Reproduction végétative uniquement
Là où les hivers sont trop froids pour permettre à la souche de repartir au printemps (- 5 °C et en deçà), c'est au mois de mai, après les risques de gelées tardives, que l'on repique l'estragon en terre. Une opération qui se fait soit à partir de plants du commerce, ce qui, avouons-le, est le plus simple, soit à partir de boutures d'automne mises à l'abri durant l'hiver, ou bien encore en remettant à leur place les pots qui auront hiverné à l'intérieur.