Nonobstant la beauté de son large feuillage, le clérodendron est un petit arbre plutôt discret en première partie de saison. Et puis subitement, en fin d'été, il fleurit blanc, fane rose, avant de se couvrir à nouveau de couleurs automnales grâce aux calices et aux graines qui persistent sur ses rameaux. Bravo l'artiste !
« Ô privilège du génie ! Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui ». Ainsi parlait Sacha Guitry. Ah ! Génie du végétal ! Lorsqu'on vient d'assister à la floraison du clérodendron, les couleurs qui lui succèdent sont, elles aussi, encore de lui. En revanche, il ne s'agit plus de fleurs, mais de graines rutilantes et de calices colorés.
Un printemps calme
Le clérodendron trichotome (Clerondendrum trichotomum) est l'une des deux espèces du genre Clerodendrum qui ne soit pas tropicale. Originaire des régions tempérées, il est bien adapté à la culture sous nos latitudes. Cet arbre de taille modeste (4 m environ) dont les imposantes feuilles caduques contrastent avec le gabarit râblé, est d'une esthétique racée. Son élégance vient d'ailleurs justement de cette opposition qui lui confère, à sa petite échelle, une majesté incontestable. Durant toute la première partie de saison, il arbore austèrement ce feuillage cordiforme (en forme de cœur) d'un profond vert foncé. Des feuilles qui, lorsqu'on les froisse, dégagent une odeur caractéristique de beurre de cacahuète qui le trahit à coup sûr lui ont valu, chez les anglophones, le surnom de « peanut butter shrub ».
Une fin d'été colorée
La floraison du clérodendron trichotome est tardive puisqu'elle n'apparaît qu'à la fin de l'été, vers le mois de septembre, mais elle est spectaculaire. L'arbre se couvre d'abord d'une multitude de boutons floraux rosés en grappes lâches, qui s'ouvrent vite pour laisser la place à autant de petites fleurs blanches tubulaires à corolle étoilée, d'où émergent quatre longues étamines. À l'œil comme à l'odorat, elles ressemblent à celles du jasmin. Puis à mesure qu'elles maturent, elles virent au rose pâle avant de faner environ trois semaines plus tard.
Une succession de couleurs
Ce n'est pas par un feuillage flamboyant que le clérodendron attire l'œil à l'automne, mais bien par la tournure singulière que prend sa fin de floraison. En effet, après la chute des pétales, le calice vert, qui supportait discrètement la fleur se redresse et s'ouvre lui aussi en forme d'étoile. Ce socle qui semble recouvert d'un épais vernis rouge foncé, sert d'écrin à la perle sombre qui apparaît alors en son centre : le fruit. Cette petite drupe charnue, d'un bleu foncé brillant, parachève ce tableau, haut en couleurs. Puis le fruit tombe et enfin, après un mois de cette fausse seconde floraison polychrome, les calices chutent à leur tour.
Cultiver le clérodendron
Appelé arbre du clergé (ou de la chance), le Clerodendrum trichotomum s'adapte à tous les types de sols pourvu qu'ils soient profonds, et à toutes les conditions de culture, s'il est placé au soleil et à l'abri de vents dominants. Il supporte la chaleur et les gels allant jusqu'à -15 °C. Sa croissance est rapide durant sa prime jeunesse, avant de ralentir lorsqu'il atteint trois mètres de haut et de large. C'est donc le roi des petits jardins, qu'il sublime de son auguste silhouette, surtout lorsqu'on le plante en sujet isolé et qu'on prend soin de bien dégager son tronc en taillant les branches retombantes. Il existe une variété panachée de blanc crémeux (C. trichotomum « variegatum ») qui ajoute une couche au panel des couleurs.
Et l'autre ?
Le Clerodendrum Bungei est l'autre espèce adaptée aux climats tempérés. Il est plus petit, plus buissonnant, mais sa floraison, quoique regroupée en pompons denses, est exactement du même registre.