Les réseaux sociaux participent aujourd'hui pleinement à prendre le pouls du monde du travail. Or, la tendance actuelle est à la morosité et à la perte de motivation à en croire les derniers termes en vogue. On passe en revue les phénomènes qui attisent les inquiétudes de bureau.
Le monde de l'entreprise est friand de termes anglophones ! Ils déferlent à tout-va dans le langage habituel et prennent la place du vocable hexagonal pour désigner des outils, des modes d'organisation mais aussi des phénomènes sociologiques. Arrivant tout droit des États-Unis, ces tendances relayées en masse sur les réseaux sociaux sont des indices d'un climat ambiant morose et d'une perte de sens des travailleurs. On décrypte les termes qui font le buzz en entreprise.
Le job hopper multiplie les expériences
Dès lors qu'un travailleur change de poste de façon fréquente – environ tous les 18 mois –, on parle de job hopping. Il va sans dire que ce phénomène est inhérent à certains secteurs d'activité comme le tourisme, la restauration et l'hôtellerie qui font notamment appel à des travailleurs saisonniers. Mais on retrouve également cette tendance dans d'autres secteurs en forte demande, en tête desquels tout ce qui concerne le monde de l'informatique et d'internet, et en particulier chez les jeunes actifs en CDI.
Ces professionnels sur-sollicités n'hésitent en effet plus à changer d'entreprise pour obtenir de meilleures conditions de travail. Là où les augmentations annuelles de salaire n'excèdent pas 5 %, un nouvel emploi permet ainsi d'obtenir un bond de rémunération de 10 à 20 %. D'après un sondage Yougov mené en septembre pour Talent.com, spécialiste du marché de l'emploi, un Français sur quatre envisagerait d'ailleurs de démissionner dans les prochains mois, sachant que 51 % invoquent la recherche d'un salaire plus élevé comme motivation principale.
Le quiet quitting, pour en faire le minimum
D'après une enquête de l'institut de sondage Gallup parue en septembre, 50 % des salariés américains à temps plein ou partiel seraient des « quiet quitters », comprenez des « démissionnaires silencieux ». Le phénomène fait ici référence aux travailleurs découragés qui ont donc décidé de se contenter de faire le strict minimum dans leur travail. Une tendance qui semble progresser en France à en croire un sondage Ifop mené pour LesMakers.fr.
Selon cette étude, 25 % des actifs avaient le sentiment de donner plus qu'ils ne retirent de leur travail en 1993, contre 48 % en 2022. À l'inverse, seuls 13 % des sondés considèrent qu'ils tirent aujourd'hui bénéfice de leur engagement au service de leur entreprise. Dès lors, le salaire devient l'unique motivation (45 %) des personnes interrogées. Alors que 51 % des sondés affirment s'impliquer beaucoup dans leur travail, ils sont 45 % à faire « juste ce qu'il faut » et 4 % à avouer « très peu » s'impliquer. Les jeunes sont les premiers concernés par ce rapport désenchanté au travail.
Act you wage pour mettre le holà
Variante plus revendicative, le « act you wage » fait le buzz sur TikTok et incite à « agir selon votre salaire ». En clair, il s'agit de se conformer stricto sensu à sa fiche de poste et aux missions qui y sont décrites, en s'abstenant de faire du zèle et de s'ajouter du travail à outrance. L'idée est ici de lutter contre la charge mentale au travail et de prôner un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Exit ainsi les réunions tardives, les messages traités en dehors des heures de bureau ou encore les soirées pro fortement conseillées. Dès lors que ce n'est pas prévu dans votre contrat, vous n'avez pas à vous ajouter ces corvées ! C'est aussi une façon de montrer à votre employeur le décalage entre votre rémunération et la demande d'investissement qu'implique votre poste.
Le quiet firing, ancien et toujours présent
Si les précédents phénomènes évoqués émanent des travailleurs, le « quiet firing » ou « licenciement silencieux » est en revanche le fait des employeurs. Décrit par le magazine Forbes au cours de l'automne, ce comportement consiste à rendre l'environnement de travail suffisamment désagréable pour inciter le salarié à partir de son propre gré. C'est donc ni plus ni moins que du harcèlement moral, à l'image des pratiques de l'entreprise France Telecom dont la condamnation pour « harcèlement moral institutionnel » a été confirmée en appel le 30 septembre 2022. Si le phénomène n'a donc rien d'inédit, le buzz autour du « quiet firing » est symptomatique d'une époque davantage tournée vers la dénonciation de ces pratiques inacceptables et justifie d'autant plus l'effet de « quiet quitting » qui sape le moral des actifs.