Les travailleurs exerçant les métiers reconnus comme pénibles ne sont pas les seuls à souffrir des nuisances sonores. Un actif sur deux déclare être concerné par la gêne du bruit au travail. De quoi donner de sérieux maux de tête aux Français !
Le bruit au travail est l'affaire de tous. Voilà le message que tente de faire passer l'association pour la Journée nationale de l'audition (JNA), qui a récemment réalisé une enquête sur la santé auditive en milieu professionnel. Comme le reconnaît l'organisme, la pandémie du Covid-19 a permis une prise de conscience générale de la gêne causée par le bruit. Depuis, les nuisances sonores sont d'autant plus ressenties et fustigées. Alors que les entreprises ne semblent pas prendre la mesure du problème, les chiffres sont pourtant éloquents.
L'enfer, c'est les autres
D'après cette enquête Ifop menée pour l'association JNA en septembre 2022, 1 actif sur 2 déclare être concerné par la gêne du bruit au travail. Cette réalité ne date toutefois pas d'hier puisque le chiffre est quasiment constant depuis 2017 et atteignait même 59 % en 2018 et 2019. La nouveauté en revanche, c'est que les travailleurs profitant d'un ou plusieurs jours de télétravail par semaine se plaignent eux aussi à 56 % du bruit sur leur lieu de travail. Ressentant sans doute encore plus fortement que les autres la différence de niveau sonore entre leurs journées à domicile et celles passées au sein de l'entreprise, ils sont d'ailleurs 41 % à regretter de temps en temps et 12 % à regretter souvent de venir travailler sur site en raison des nuisances sonores.
Parmi les principales sources de bruit, ce sont dans tous les cas les sons provenant de l'extérieur du bâtiment qui arrivent en tête de liste, ce qui implique une réelle réflexion sur l'isolation acoustique des locaux. Cela dit, les comportements humains arrivent en seconde position des nuisances évoquées. On pense ici aux allées et venues d'autres personnes, aux conversations entre collègues et autres visioconférences et appels téléphoniques qui peuvent vite peser sur le mental et la concentration des salariés, notamment en open space.
Mauvais pour l'ambiance et la santé
Si tout le monde ou presque est soumis à ce stress acoustique permanent, ce sont avant tout les actifs du secteur du commerce qui le dénoncent à 61 %, devant l'agriculture et l'industrie (58 %), ainsi que le BTP et la construction (57 %), qui sont pourtant les branches traditionnellement décriées en la matière.
Quoi qu'il en soit, la gêne du bruit s'intensifie et pèse de plus en plus sur l'ambiance de travail puisqu'elle est jugée responsable d'incompréhensions avec le management (48 % en 2022, contre 36 % en 2019), de tensions au sein des équipes (41 %, contre 31 %) et d'agressivité dans les échanges (45 %, contre 32 %). Plus encore, tout ce bruit a un impact sur la santé. Les actifs interrogés estiment en effet à 48 % que ces nuisances sonores sont une source de gêne de compréhension de la parole, à 39 % qu'elles provoquent des sifflements et bourdonnements dans les oreilles et à 34 % qu'elles causent de la surdité. Sans surprise, un surcroît de stress (56 %), de fatigue et de lassitude (66 %) va de pair avec cet environnement trop bruyant.
Peu de solutions mises en place
Bien que diverses solutions existent pour remédier à ce stress acoustique, elles sont peu utilisées en entreprise. Simples et peu coûteux, les équipements de protection individuelle contre le bruit (PICB), du type bouchons en mousse, en silicone ou casques anti-bruit ne sont en effet proposés que dans 28 % des cas, contre 25 % des sociétés qui mettent à disposition du personnel des casques de communication spécifiques. Côté organisation, seules 23 % des sociétés proposent des lieux pour s'isoler du bruit, tandis que 22 % ont réaménagé les espaces existants pour limiter les nuisances. Les actions de sensibilisation (20 %) et de dépistage de l'audition (19 %) sont par ailleurs marginales.
L'open space pointé du doigt
Déjà en 2019, l'association pour la Journée nationale de l'audition pointait du doigt les méfaits de l'open space. À l'époque, son enquête révélait qu'un actif sur cinq perdrait plus de 30 minutes de travail par jour à cause du bruit incessant de son environnement. Cette perte de productivité coûterait 21 milliards d'euros aux entreprises, selon une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie de 2021.
Or, la législation existante ne concerne que les environnements bruyants, comme les usines ou le BTP, et fixe à 80 décibels (un klaxon par exemple) le seuil maximum de bruit acceptable, et ce, durant moins de 8 heures par jour. Pourtant, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle à créer des environnements sonores autour de 45 dB(A), sachant que la communauté scientifique estime que les difficultés de concentration surviennent à partir de 60 dB(A) de niveau sonore ambiant.