Dallas ne glorifie plus la loi du plus fort : en pleine croissance, la ville est à un tournant de son histoire. Sans revolver ni pétrole, elle affiche ses ambitions et s'impose comme une métropole culturelle.
Loin des clichés tout droit sortis des séries télé, Dallas nous apparaît étonnamment dénuée de stetsons et de derricks. Ici, les cow-boys ont laissé leurs chevaux à l'écurie pour envahir les terrains de football américain tandis que les magnats du pétrole ont déserté la ville et se sont installés plus au sud, à Houston, pour y développer leurs affaires. Pas de Josh Randall ni de famille Ewing non plus : s'ils ont déposé les armes, c'est aux pieds de midinettes qui n'ont rien à envier aux héroïnes de Sex and the City.
Dallas est une ville résolument ancrée dans son époque. En pleine expansion, elle n'a été que peu touchée par la crise économique, comme en témoignent ses nombreuses boutiques de luxe, son quartier huppé aux pelouses parcourues d'écureuils et sa Galleria, un vaste centre commercial où se bousculent les fashionistas. Mais attention, rien d'anarchique dans cette croissance : la ville se flatte au contraire d'une politique d'urbanisme aussi pointue qu'exigeante. De nombreux immeubles du centre-ville sont signés par les plus grands architectes mondiaux et de splendides espaces verts parsèment la cité. Rien d'oppressant dans cette mégalopole aérée qui conjugue avec grâce modernité et préservation du patrimoine, sertissant avec élégance une église de brique rouge entre deux gratte-ciel élancés.
L'art en mouvement
C'est de cet heureux mélange qu'est né l'un des plus grands projets de Dallas, l'Art district. L'idée ? Faire jaillir de terre un quartier tout entier dévoué à la culture, où l'on peut en quelques pas rejoindre l'opéra, le théâtre ou l'un des nombreux et passionnants musées. Le Dallas Museum of Art figure parmi ceux-ci. Financé à 80 % par des fonds privés, il réunit une splendide collection. Mondrian, Renoir, Degas et autres maîtres croisent des œuvres plus surprenantes, comme des tableaux de Winston Churchill.
Au cœur du musée se cache une perle étrange : une généreuse donatrice, Wendy Reves, a en effet conditionné ses faveurs à la construction d'une réplique de sa maison azuréenne, La Pausa. Dessinée par Coco Chanel, à qui elle appartint précédemment, la demeure a donc une jumelle américaine dans laquelle chaque œuvre léguée par la mécène retrouve sa place. Et, de Courbet à Toulouse Lautrec, cette grande collectionneuse possédait de nombreuses merveilles insoupçonnées, qui trônent non loin des chaussons de la dame ou de sa soupière, semblant prête à régaler le visiteur.
À ne pas rater non plus, le musée Nasher se consacre exclusivement à la sculpture, qui s'étale dans tous ses états à l'intérieur comme à l'extérieur, semblant alors puiser ses forces dans la nature environnante. Ne se limitant pas à une approche académique de Brancusi ou Picasso, le musée joue également la carte de l'interactivité grâce à des œuvres allant au contact de leur public.
Des loisirs pour toute la famille
Bien sûr, le goût des arts n'est pas unanimement partagé et, fort heureusement, Dallas regorge d'activités à découvrir en famille. Arpenter les allées du gigantesque jardin botanique loval peut, à ce titre, s'avérer une expérience inoubliable. Plus de 500 000 boutons éclosent chaque printemps dans cet arboretum d'une vingtaine d'hectares qui abrite également une faune peu farouche constituée principalement d'oiseaux et de petits rongeurs : pas de quoi concurrencer le zoo municipal, mais les enfants ne s'en émerveilleront pas moins.
Un paysagisme qui ne cesse de se réinventer marque à sa façon le rythme des saisons, s'ornant de sucres d'orge rouges et blancs pour célébrer Noël ou de milliers de citrouilles participant à la fabrication d'un magnifique tableau aux couleurs automnales. L'été, le parc se transforme en oasis de fraîcheur et accueille chaque semaine, au coucher du soleil, des concerts en plein air qui font les délices des Texans. Ce petit éden de poésie joue également les galeries, mariant le vert et le verre à l'aide des sculptures de l'artiste-verrier Chihuly.
Comme ils le répètent avec un sourire en coin, les Texans vénèrent trois choses : Dieu, le football (américain, cela va sans dire) et les magasins à bas prix Walmart. Assister à un match des Dallas Cowboys est donc une expérience inoubliable, que l'on s'intéresse au sport ou pas. Tandis que le public s'enflamme, on tente en vain de comprendre les règles de cette autre ovalie, avant de simplement se laisser emporter par la ferveur populaire. Sur le parking du stade, on découvre une tradition locale, le tailgating. Ouvrant leur hayon (tailgate), les spectateurs installent barbecue et glacière et partagent leurs impressions sur le match en même temps que leur frichti. Ce moment de convivialité typiquement américain est très prisé des gourmands, qui savourent hamburgers juteux et épis de maïs grillés.
Un hommage au Président martyr
Impossible de quitter Dallas sans un détour par Dealey Plaza pour visiter le Sixth Floor Museum. Situé à l'emplacement même du Texas School Book Depository, d'où Lee Harvey Oswald tira les balles fatales, c'est un lieu de recueillement et d'Histoire. Documents photographiques, sonores et vidéo y retracent la vie de John Fitzgerald Kennedy, et surtout les circonstances de son assassinat. L'émotion est tangible : aujourd'hui encore, des familles américaines se pressent sur les lieux, les larmes perlant au coin des yeux au fur et à mesure que la visite avance. Celle-ci débouche sur une cage de plexiglas abritant un empilement de boîtes en carton. Ce mur improvisé dissimule une fenêtre offrant une vue imprenable sur la route. Sur celle-ci, deux croix blanches marquent les impacts de balles. Cette fenêtre qui changea le destin de l'Amérique fait aussi partie de l'histoire de Dallas, à l'instar de cette vue, mille fois croisée au fil de reportages et de films, qui nous rappelle à quel point cette ville s'enracine profondément dans notre mémoire collective et mérite que l'on en découvre les secrets.
Se déplacer
Les transports en commun ne sont pas le point fort de Dallas. Il serait cependant dommage de ne pas monter dans l'un des tramways qui desservent l'avenue McKinney. Âgés de près d'un siècle, ils ont un indubitable charme rétro.