Bien connue des joueurs, la plateforme de streaming Twitch multiplie les succès d'audience en diversifiant ses diffusions, à l'image de la venue récente du Premier ministre Jean Castex. Avec plus de 30 millions de spectateurs quotidiens à travers le monde, Twitch inquiète les chaînes traditionnelles. Voici ce qu'il faut savoir sur ce phénomène montant.
En décembre dernier, dans un certain anonymat, Samuel Étienne lançait sa chaîne Twitch. Le présentateur et journaliste ne se doute alors pas du succès qui l'attend. Quelques mois plus tard, l'ancien président de la République, François Hollande, y faisait un passage remarqué et attirait plus de 100 000 spectateurs simultanément. Le 14 mars dernier, c'est au tour de Jean Castex de placer la plateforme de streaming Twitch sous le feu des projecteurs et de la faire connaître un peu plus du grand public.
Le repère des gamers
Twitch est loin d'avoir la notoriété d'un service comme Netflix ou Spotify, mais la plateforme est très connue dans le monde du jeu vidéo. En 2007, les pionniers de Justin.tv, un des premiers sites de diffusion de contenu en direct sur internet tels qu'on les connaît aujourd'hui, se rendent compte que les diffusions de joueurs qui filment leurs parties rencontrent plus de succès que les autres. Les développeurs d'alors – Justin Kan, Kyle Vogt, Emmett Shear et Michael Seibel – ont l'idée de créer un site dédié au jeu vidéo où l'on viendrait regarder des gamers jouer en direct. Twitch voit le jour. Sept ans plus tard, Justin.tv est fermé, tandis que son homologue attire plus de 50 millions de spectateurs par mois. Le succès est tel qu'il remonte aux oreilles averties de Jeff Bezos, le patron d'Amazon. Le géant de la vente en ligne sort le carnet de chèque et rachète l'ensemble pour 970 millions de dollars. Une somme jugée délirante à l'époque et qui paraît dérisoire aujourd'hui au regard du succès grandissant de Twitch. Twitch est donc avant toute chose une plateforme où l'on peut regarder des parties en direct, que ce soit de League of Legends, Call of Duty, Fifa, Dota 2, Valorant, World of Warcraft, et autres jeux à la mode ou en passe de le devenir. Les conditions d'utilisation de Twitch sont particulières. Tout le monde peut ouvrir un compte diffuseur et se filmer en train de jouer, de dessiner ou de discuter de tout et de rien. En revanche, pour être rémunéré, il faut afficher une certaine régularité de diffusion et, surtout, une certaine audience. À partir d'une petite centaine de spectateurs par diffusion, il est possible de devenir un partenaire et ainsi d'être rémunéré par Amazon, via une partie des recettes publicitaires, des abonnements mensuels payants ou des dons spontanés. Avec plus de 30 millions de spectateurs quotidiens, que l'on appelle sur Twitch les « viewers », et des pics d'audience à quelque 3 millions de personnes connectées simultanément, la formule fait aujourd'hui un carton. Au point d'attirer de nouveaux acteurs.
La loi du milieu
BFM TV, Ouest-France, TF1, Arte, L'Équipe, Sciences et Avenir... nombreux sont les grands noms des médias traditionnels à voir d'un œil mi-inquiet mi-envieux, l'éclosion d'un concurrent de cette ampleur. Il faut dire que Twitch touche une cible qu'ils ont de plus en plus de mal à atteindre : les jeunes adultes. L'arrivée sur la plateforme est des plus compliquées. Twitch a ses propres codes, son langage souvent incompréhensible pour le commun des mortels, ses règles. Les premiers pas de BFM TV ont ainsi été chahutés et chaotiques. Ici, les échanges entre la personne qui « streame » et ses « viewers » sont indissociables du succès d'une chaîne. L'authenticité est une valeur cardinale. La maîtrise d'un vocabulaire sibyllin où s'enchaînent les « PogChamp », expression de joie ou de surprise quand intervient un événement imprévu durant la diffusion, les « Omegalul », des explosions de rires, et les derniers « memes » qui font frissonner les recoins confidentiels de la Toile, est indispensable. C'est sans doute ce mélange improbable qui fait le succès de Twitch.