Après avoir obtenu les autorisations d'émettre en France, Starlink, le fournisseur d'accès à internet par satellite, vient de voir son déploiement suspendu sous nos latitudes par le Conseil d'État. Retour sur une conquête spatiale dont l'avenir au-dessus de l'Hexagone demeure incertain.
Internet est aujourd'hui confronté à une limite spatiale. Comment atteindre les espaces les plus reculés et les plus difficiles d'accès, les fameuses zones blanches ? En France, cela représente environ 2 % du territoire, et même un peu plus si l'on étend la définition aux endroits où le débit internet est faible. Dans le monde, le problème a davantage d'ampleur.
Ralph Straumann et Mark Graham, deux chercheurs de l'université d'Oxford, ont récemment tracé les contours de « l'archipel de la déconnexion », une carte du monde des no man's land de la connexion internet où moins de 10 % de la population s'est connectée au moins une fois au web lors des douze derniers mois. Ces déserts numériques sont principalement en Afrique centrale, au Moyen-Orient (Irak) et au cœur de l'Asie (Birmanie, Bangladesh, Cambodge). Ce sont des centaines de millions de personnes à travers le monde qui sont privées d'accès à internet.
Pour répondre à cette problématique, Elon Musk, déjà pionnier dans le domaine du véhicule électrique avec Tesla et dans la conquête spatiale avec SpaceX, a eu l'ambition de déployer un réseau de satellites capables de pointer vers les zones les plus isolées de la planète. L'utilité grandissante de Starlink s'est fait jour dès le début du conflit en Ukraine, où Elon Musk a mis son réseau à disposition afin que le pays ne soit pas coupé des informations et du web durant l'invasion russe.
Constellation
Pour fonctionner, Starlink, grâce aux lanceurs SpaceX, a mis en orbite plus d'un millier de relais à ce jour. L'entreprise prévoit d'en positionner environ 12 000 d'ici 2025. Pour le moment, les satellites sont placés en orbite géostationnaire à 36 000 km d'altitude. L'avantage de ce positionnement est qu'il permet d'assurer une vaste couverture avec un seul engin, mais a aussi des inconvénients : la latence est particulièrement élevée en raison de l'altitude. Les prochains lancements s'arrêteront entre 340 et 1 150 km. Pour coordonner cette vaste constellation et éviter les collisions, les ingénieurs ont mis au point une liaison laser perfectionnée. Le reste fonctionne exactement comme un abonnement TV par satellite. Le client Starlink reçoit un kit contenant notamment une parabole et un routeur, ainsi que les instructions pour capter le signal internet. La connexion se fait très simplement en quelques secondes. Le kit est tout de même facturé 499 €, tandis que l'abonnement s'élève à 99 € par mois. La bande passante atteint les 150 Mbps, ce qui fait en moyenne mieux que le réseau internet fixe, et devrait flirter avec les 10 Gbps dans les années à venir.
Suspension en France
Alors que l'Arcep, l'autorité française de régulation des télécoms, avait accordé l'autorisation à Starlink de diffuser sur le territoire français, le Conseil d'État vient de casser cette décision. Les juges ont en effet été saisis par deux associations de défense de la nature, Agir pour l'environnement et Priartem. « À l'instar de la 5G, par mauvaise habitude, les pouvoirs publics estiment que l'évaluation environnementale et sanitaire est au mieux un passage obligé, au pire une concession procédurale dont on peut se passer, a expliqué Sophie Pelletier, à la tête de Priartem, dans un communiqué. Il est temps que les pouvoirs publics cessent de passer en force sur de tels sujets et acceptent enfin le nécessaire débat public.» Les associations pointent la principale limite de la solution Starlink : son occupation excessive du ciel, limitant grandement l'observation des étoiles et multipliant les déchets en orbite. À la demande du Conseil d'État, l'Arcep a ouvert une vaste consultation à l'issue de laquelle le service devrait être autorisé en France. En attendant, Starlink continue son déploiement dans le monde.
