Alors que Google et Apple viennent de lancer leur kit clé en main de notification à l'exposition au Covid-19, l'application souveraine française, StopCovid, peine à justifier les investissements consentis pour la développer. La mise en conformité récente avec les directives de la Cnil et la nouvelle flambée des contaminations lui offriront-elles l'occasion de prouver son efficacité ?
Le constat est amer. Le Premier ministre Jean Castex a bien été obligé de le reconnaître au micro de France Inter fin août : « StopCovid n'a pas obtenu les résultats que l'on en espérait ». Les chiffres sont sans appel. Après avoir atteint 2 millions de téléchargements en juillet, l'application française de notification d'exposition au Covid-19 stagne désormais aux alentours de 2,5 millions d'installations. Et c'est sans compter toutes les personnes qui ont supprimé l'application après l'avoir testée. Un problème majeur quand on sait que l'efficacité d'un tel dispositif repose sur son adoption à grande échelle.
En effet, StopCovid envoie une notification aux contacts d'une personne déclarant avoir été contaminée par le virus. Cette démarche permet à chacun de se faire tester rapidement, de s'isoler le cas échéant et de se faire soigner dans les temps. Or, peu d'utilisateurs, signifie peu de notifications. De mi-août à la rentrée des classes, StopCovid n'a ainsi envoyé qu'une trentaine d'alertes.
Certes, l'application a été développée bénévolement par plus de 130 chercheurs et informaticiens réunis au sein d'une équipe pilotée par l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) en partenariat avec une trentaine d'entreprises et organismes d'État, mais son fonctionnement a un coût, estimé entre 100 000 et 300 000 € par mois.
Souveraineté et protection des données
À l'origine de cet échec, il y a l'urgence dans laquelle la décision de développer un tel outil a été prise et les choix forts qui ont présidé à sa conception. Le gouvernement a en effet tenté un coup de force contre Apple et Google, en souhaitant disposer d'une application souveraine. La motivation est louable mais la pratique plus complexe.
StopCovid n'est pas, par exemple, compatible avec les autres dispositifs du genre mis en place en Europe. L'Angleterre, qui avait émis le souhait de suivre le chemin de la France, vient de faire volte-face. Il faut dire que les deux géants du mobile ont depuis mis en place un kit clé en main de notifications à l'exposition au virus. La force de frappe de cette fonctionnalité intégrée dans les dernières versions de leurs systèmes d'exploitation est sans commune mesure – iOS et Android étant installés sur plus de 98 % des smartphones de la planète.
Dans la précipitation, StopCovid en a également oublié les règles de base de la protection des données. Un comble quand on veut s'ériger contre Apple et Google. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) avait étrillé l'application mi-juillet. Le contrat de sous-traitance avec l'Inria n'était, notamment, pas assez clair concernant les obligations de l'Institut. En outre, le système de recaptcha, dispositif qui permet de savoir si l'utilisateur est bien un humain et non un robot, était celui de Google. Enfin, la Commission a relevé que StopCovid n'était pas en conformité avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Un nouveau départ
L'application française a ainsi dû être revue et corrigée en profondeur. Dans un nouvel avis publié le 4 septembre, la Cnil a alors déclaré avoir approuvé la nouvelle version de StopCovid. L'État « a pris les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec les injonctions de la mise en demeure », a expliqué l'institution.
Face à l'explosion des nouveaux cas et malgré la solution proposée par Apple et Google (activée uniquement à la demande des autorités locales), le gouvernement entend par conséquent convaincre les Français d'utiliser le projet souverain. Une nouvelle version plus simple d'utilisation, plus transparente et plus ergonomique est d'ailleurs dans les tuyaux. Et selon l'évolution de la situation sanitaire, StopCovid pourrait finalement se révéler fort utile…