Alors que les dirigeants mondiaux multiplient les sommets pour diminuer l'empreinte de l'activité humaine sur le climat, le Sénat vient d'adopter une proposition de loi visant à réduire les émissions de CO2 causées par le numérique.
L'activité numérique est à l'origine d'une part croissante de la pollution humaine. La dématérialisation des échanges s'est révélée d'une grande utilité durant la crise sanitaire et les différents confinements qui se sont succédé. Les changements profonds entraînés par le recours massif au numérique sont toutefois rendus possibles grâce à « un secteur bien matériel composé de terminaux, de centres informatiques et de réseaux », expliquent les membres de la mission d'information sénatoriale sur l'empreinte environnementale du numérique, sous la présidence de Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain. Si rien n'est fait d'ici à 2040, « le numérique pourrait atteindre 6,7 % des émissions de GES de la France, un niveau bien supérieur à celui émis actuellement par le transport aérien (4,7 %) », prévient l'étude.
Enclencher les premières mesures
C'est en suivant les recommandations de cette mission d'information parue l'an passé que les sénateurs ont définitivement adopté une proposition de loi dont l'objectif est de réduire cette empreinte croissante. Porté par le sénateur, le texte n'a pas soulevé l'enthousiasme de l'ensemble des élus, mais ceux-ci ont quand même trouvé un consensus, souhaitant que ses mesures les plus importantes entrent en vigueur le plus rapidement possible.
Recherche, sensibilisation, encouragement
La proposition de loi articule son action autour de trois grands axes : la recherche, la sensibilisation et l'encouragement. Ainsi, un « observatoire des impacts environnementaux du numérique » devrait être créé afin de mesurer concrètement le poids exact de l'activité dans les émissions totales de gaz à effet de serre. En effet, si l'empreinte du matériel et des centres de données est indiscutable et ira en s'accroissant, les bénéfices que le numérique rend possibles – comme les gains de productivité, les déplacements évités ou encore les économies en matières premières – complexifient le bilan réel. Le texte intègre aussi une action d'information régulière dès l'école primaire et dans le secondaire afin de sensibiliser les plus jeunes à la « sobriété numérique ». Des opérations de collecte d'équipements numériques seront également mises en place avec des primes au retour pour encourager le recyclage. Déjà incités à ne plus distribuer de chargeur, les fabricants de téléphones ne seront plus tenus de fournir des écouteurs avec leurs produits.
La copie privée au centre des frictions
Parmi les mesures d'encouragement, la suppression de la redevance pour copie privée sur le matériel d'occasion, qui était à l'origine prévue dans la proposition de loi, a finalement été retirée. Cette disposition, créée en 1985 pour financer le secteur culturel via une taxe sur les supports d'enregistrement (CD, DVD, puis mémoire de disque dur, etc.), a pour objectif de compenser les pertes subies par les artistes par la possibilité offerte par le numérique de copier facilement leurs œuvres. Pour favoriser le recours à du matériel d'occasion, les sénateurs souhaitaient que la mesure ne s'applique qu'aux appareils neufs. La forte réaction du monde culturel a contraint le Parlement à revenir sur cette disposition, au grand désarroi des élus à l'initiative du texte. Le reconditionnement représente aujourd'hui seulement 15 % des ventes de téléphone. La proposition de loi veut accélérer le développement de cette filière. « Quel mauvais message que de vouloir taxer ce qu'on souhaite encourager », s'est exprimé Didier Mandelli (LR), autre soutien du texte. Une nouvelle fois, l'arbitrage entre l'activité économique et les enjeux écologiques est un art délicat.