Délaissée depuis la fin du XXe siècle, la conquête spatiale se replace au cœur des préoccupations scientifiques et politiques. Pour suivre cette nouvelle marche vers l'infini et au-delà, il faut des composants informatiques capables de fonctionner dans ce milieu hostile. Les puces VPU sont en train de révolutionner cette grande aventure.
Avec l'arrivée inédite dans l'histoire d'acteurs privés puissants, comme SpaceX d'Elon Musk (Tesla) ou de Blue Origin de Jeff Bezos (Amazon), et l'émergence de nouveaux rapports de force géopolitiques, la conquête spatiale revient au cœur des enjeux et préoccupations. Les missions se multiplient, que ce soit pour placer le plus de satellites possible en orbite ou pour partir à la découverte de territoires inconnus. Pour suivre cette nouvelle course en avant, l'informatique doit s'adapter à la rudesse de l'environnement spatial.
Des contraintes inédites
Dans l'espace, les températures extrêmes, les rayonnements solaires, la spécificité locale des lois physiques et électromagnétiques, l'absence de source d'énergie ou les difficultés à refroidir certains composants sont autant d'obstacles, parmi tant d'autres, à dépasser pour espérer aller plus loin. L'enjeu principal est celui de la consommation d'énergie. Lorsqu'un composant électronique embarqué demande plus de 5 watts, les ingénieurs doivent penser à intégrer un système de refroidissement spécifique ainsi qu'une source d'alimentation dédiée. Le 2 septembre dernier, lors du lancement d'un petit satellite Cubsat dont la mission est de démontrer l'utilité de l'IA dans le domaine, Gianluca Furano, de l'Agence Spatiale européenne, expliquait : « pour vous donner un ordre d'idée, ajouter un instrument qui consomme 1 watt sur un rover martien, c'est ajouter un petit bout de panneau solaire de plus par-ci, un peu plus de puissance par-là, ce qui fait gonfler la masse à emporter. En bout de chaîne, 1 watt à alimenter et dissiper en plus c'est 1 tonne de carburant à brûler en plus ! ». Jusqu'à présent, la solution pour ne pas avoir à se soucier de ce genre de contraintes, qui viennent s'ajouter aux nécessaires protections des composants, était de limiter au maximum les calculs sur place. Les données étaient transférées sur Terre pour y être analysées en différé. Or, la bande passante depuis l'espace est par définition limitée, tandis que le flux d'informations aujourd'hui explose. En outre, d'innombrables données, comme des images, recueillies par les satellites et les sondes spatiales n'ont aucun intérêt. Il faut donc puiser dans la banque d'organes des processeurs disponibles chez les grands fondeurs actuels pour trouver les puces qui ouvriront de nouveau les portes de l'espace.
Régime sec
C'est là qu'interviennent les puces VPU. Ce sont des processeurs de traitement visuel différents, dans leur architecture, des bien connus CPU, le cœur de nos ordinateurs et des GPU, qui composent les cartes graphiques. Ce sont des composants spécialisés dans le traitement d'image que l'on retrouve dans les drones ou les voitures autonomes. Leur puissance de calcul est suffisante pour les principales tâches requises dans l'espace, notamment pour trier et analyser les images, et leur consommation est bien plus faible que leurs homologues. La famille Myriad d'Intel est ainsi très prisée par les ingénieurs, à la fois en raison de ses performances – la Myriad 2 ne consomme que 1 watt, par exemple – mais aussi de son coût, puisqu'elle a été produite à grande échelle. Comme le montre leur utilisation dans les voitures autonomes, les VPU ont des capacités intéressantes en apprentissage et en intelligence artificielle. À terme, c'est la possibilité d'avoir dans l'espace des engins entièrement autonomes qui s'ouvre, rendant bien plus réalisables des missions de repérage sur les planètes du système solaire ou d'arrimage à un corps en mouvement comme un astéroïde par exemple. Un petit bond pour les puces, un grand pas pour l'homme, en somme.