C'est un bilan bien particulier que dresse l'Arcep dans son rapport annuel sur l'état d'internet en France. L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse a pris en compte les profonds bouleversements entraînés par la crise sanitaire. Dans quelle mesure le visage du réseau a-t-il changé ?
L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a pris la bonne habitude de faire le bilan, chaque année, de l'état des réseaux internet fixe et mobile. L'agence administrative indépendante scrute les usages des internautes, mais aussi l'évolution des architectures, des offres des fournisseurs d'accès et examine les débits. La crise du coronavirus est venue bouleverser le programme de l'Arcep qui a jugé indispensable d'ajouter une analyse des conséquences de l'épidémie et du confinement à son étude plus classique de l'année 2019. Ce nouveau portrait est riche d'enseignements.
Les infrastructures ont tenu le choc
Premier constat, l'Arcep confirme les craintes d'une défaillance des infrastructures lors de l'épidémie. En temps normaux, les pics d'utilisation de la bande passante apparaissent en fin de journée et le soir ou le week-end. Durant la crise sanitaire, la demande s'est étalée sur toute la journée, entraînant çà et là des difficultés. Les Français ont ressenti la nécessité « de rester connectés à leur environnement professionnel, personnel et culturel depuis leur domicile. Ce basculement de nombreux usages au sein des foyers a entraîné une forte augmentation du trafic, de 30 % pendant le confinement selon les premières estimations », expliquent les rapporteurs. Les acteurs ont répondu présents : « les entreprises télécoms et le tissu de PME, d'acteurs locaux et associations qui les entourent ont travaillé de concert pour maintenir et assurer le fonctionnement continu des réseaux ». Du côté des utilisateurs, des gestes de bonne conduite ont rapidement été adoptés pour éviter toute surcharge : choisir le wifi à la place des données mobiles, télécharger en heure creuse ou encore bien répartir ses usages dans la journée. Même les acteurs les plus gourmands, comme Netflix ou les services de VOD, ont joué le jeu, en réduisant, par exemple, la qualité de leur flux vidéo.
Augmentation et concentration du trafic
Cette augmentation des besoins en bande passante durant le confinement est venue s'ajouter à celle déjà constatée durant l'année 2019. Sur un an en effet, le trafic entrant vers les différents FAI a augmenté de 29 % pour atteindre 18,4 Tbit/s en décembre dernier. L'Arcep se félicite que « les capacités installées à l'interconnexion pour les principaux FAI sont en moyenne 2,7 fois supérieures au trafic entrant. » En revanche, l'autorité constate que les flux se concentrent de plus en plus. Cinq grands fournisseurs – Netflix, Google, Akamai et Facebook – concentrent 55 % des échanges. Cette situation confirme que la toile, malgré tous les efforts faits pour en garantir la neutralité et la pluralité, se centralise de plus en plus autour de quelques mégapoles.
Amélioration des débits et perspectives
L'une des grandes satisfactions de l'évolution d'internet en France lors de l'année qui vient de s'écouler est l'augmentation importante du débit mobile disponible. En zone dense, l'Arcep constate une hausse de 44 % de la vitesse de transfert (62 Mbits/s). En zone rurale, il reste des progrès à faire mais les débits ont doublé entre 2018 et 2019. Côté internet fixe, la donne est plus floue. Le déploiement de la « carte d'identité de l'accès » dans les box est en cours. Cet outil servira, entre autres, à avoir des mesures précises, impossibles à obtenir aujourd'hui tant l'analyse actuelle souffre de biais techniques. Il faudra pour cela attendre 2022. Entre-temps, l'agence aura planché sur le déploiement plus que jamais nécessaire des IPV6, sur des pistes pour réduire l'empreinte environnementale des usages d'internet, avec à la clé un possible « baromètre vert du numérique » et aura continué à œuvrer pour qu'internet demeure un « bien commun ».