Alors qu'Apple ne produit aucune console et ne développe aucun titre, la firme de Cupertino est un acteur aussi majeur que discret du jeu vidéo. La stratégie mise en place par Tim Cook paie : la Pomme fait mieux que les géants du secteur comme Nintendo, Microsoft ou encore Activision-Blizzard. Explications.
Quand on pense jeux vidéo, de nombreuses marques viennent immédiatement à l'esprit. Nintendo, bien sûr, et sa console star la Switch, Microsoft et sa Xbox, Sony et sa PlayStation, Activision-Blizzard (World of Warcraft, Call of Duty), Ubisoft (Assassin's Creed) ou encore Bethesda (Skyrim). Dans la longue liste des géants du secteur, il est rare de retrouver en bonne position Apple. C'est pourtant la firme de Cupertino qui, dans l'ombre, est le vrai maître du jeu. Le paradoxe est complet : sans produire la moindre console et sans éditer le moindre titre, Apple fait mieux que Microsoft, Nintendo, Sony ou Activision. Mieux encore, depuis l'exercice financier 2019 où le chiffre d'affaires de ses activités vidéoludiques atteignait 8,5 milliards de dollars, la Pomme a enregistré des bénéfices opérationnels supérieurs à ceux de ces quatre acteurs majeurs combinés. On parle tout de même des plus grands constructeurs de consoles et des plus importants développeurs du monde.
L'AppStore, poule aux œufs d'or
Le secret de cette réussite bien gardée se trouve dans les méandres du fonctionnement de l'AppStore, la plateforme de téléchargement de jeux et d'applications d'Apple. La Pomme y vend et distribue des milliers de jeux créés par d'autres. La firme de Cupertino prend 30 % sur chaque transaction réalisée sur ses appareils mobiles, iPhone en tête. Cela comprend non seulement les ventes de jeux, mais aussi les microtransactions, véritables mines d'or pour les éditeurs. Sans le moindre investissement majeur dans le secteur, Apple peut ainsi prétendre à une part importante des 100 milliards de dollars que représente aujourd'hui le marché du jeu vidéo. Ce juteux business est en pleine croissance et devrait atteindre 198 milliards en 2024. Bonus pour la Pomme, c'est le jeu mobile qui porte l'industrie avec plus de 50 % du chiffre d'affaires réalisé sur des appareils nomades. D'après le cabinet d'analyse Sensor Tower, les clients de l'AppStore ont dépensé plus de 45 milliards de dollars en jeux mobiles l'an passé. Près d'un tiers provient du marché chinois, 26 % des États-Unis. Ce sont ainsi quelque 13,5 milliards de dollars qui sont entrés passivement dans les poches de l'entreprise dirigée par Tim Cook. Les jeux les plus populaires sont Honor of Kings, Pokémon Go ou encore l'éternel Candy Crush Saga. Toujours selon Sensor Tower, cela représente 69 % des résultats réalisés par l'AppStore dans son ensemble. Le profile des joueurs est aussi intéressant. Moins de 1 % des gamers comptent pour 65 % de la facturation, dépensant en moyenne 2 700 dollars par an. Pas étonnant, alors, que les designers de la Pomme soient aux petits soins : le dernier iPhone 13 propose, par exemple, un écran pensé pour améliorer l'expérience vidéo. C'est en effet grâce à sa flotte de plus d'un milliard d'iPhone vendus à travers le monde qu'Apple peu prétendre à une telle manne financière tombée du ciel.
Vers la fin de l'âge d'or ?
Cela fait maintenant de nombreuses années qu'Apple profite de la bonne santé du marché du jeu vidéo en toute discrétion. Le procès qui a opposé la Pomme à Epic Games, l'éditeur de Fortnite, a mis en lumière l'ampleur méconnue de cette activité. Epic Games a contesté devant les tribunaux américains la commission de 30 % prise par Apple. La justice a tranché : la firme de Cupertino devra laisser aux créateurs de jeux et d'applications la possibilité de proposer leur propre système de paiement en dehors de l'AppStore. Un coup dur à plusieurs milliards. Dans le même temps, Pékin a mis en œuvre des mesures drastiques pour limiter le nombre d'heures que les jeunes Chinois, le cœur de cible de l'AppStore, sont autorisés à passer devant un écran. Apple va finalement peut-être être contraint de réellement investir dans un secteur qui lui a tant rapporté sans rien faire.