Alors que les situations de squat de bâtiments sont souvent insolubles, une nouvelle loi renforce les peines encourues par les occupants illégaux. Mais est-ce que cet effet dissuasif suffira ? Pas si sûr…
Entre une précarité croissante et une offre de logements insuffisante, les phénomènes de squats augmentent ces dernières années en France. Les propriétaires se retrouvent alors démunis, tant les voies de recours sont laborieuses. Alors que les législations s'enchaînent sur le sujet, les résultats semblent en effet peu convaincants. Après les lois Élan de 2018 et Asap de 2020, la loi Kasbarian du 27 juillet 2023 serre à nouveau la vis aux squatteurs… sans assurer pour autant aux victimes de reprendre prestement possession de leur bien.
Une définition précise
Avant toute chose, il s'agit de savoir de qui l'on parle. Un squatteur n'a en effet rien à voir avec un locataire défaillant sur un plan juridique.
Ce dernier a en effet été titulaire d'un bail en bonne et due forme mais n'a pas respecté ses obligations contractuelles (impayés de loyers en tête de liste), ce qui peut entraîner son expulsion.
À l'inverse, au sens du Code pénal, le squatteur fait référence à une personne qui s'est introduite dans la propriété d'autrui « à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes ». Cet individu n'a donc jamais eu aucun droit d'occupation et a pénétré dans les lieux de façon illégale. La loi Kasbarian de 2023 précise en outre que le bâtiment en cause peut être « un local à usage d'habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel », alors que seul le domicile était auparavant pris en compte par les procédures spécifiques mises en place.
La procédure accélérée
Si le squatteur n'a aucun droit d'occupation, il ne peut toutefois pas être jeté à la rue manu militari. Pour récupérer son bien, le propriétaire a deux choix. Première option : passer par une procédure civile classique d'assignation devant le tribunal judiciaire (ex-tribunal d'instance) pour demander au juge l'expulsion, ainsi qu'une indemnité d'occupation. Sauf qu'il faut compter entre un et deux ans de procès pour obtenir gain de cause...
Une procédure accélérée a donc été mise en place en 2018 et renforcée depuis. Sur le papier tout est plus simple. Une fois le squat découvert, le propriétaire peut porter plainte en prouvant que le bien lui appartient (factures, documents fiscaux, attestation de voisin, etc.). Il fait alors constater la situation par les forces de l'ordre, un commissaire de justice (ancien huissier) ou la mairie, avant de demander au préfet de mettre en demeure les squatteurs de quitter le logement. Le représentant de l'État a 48 heures pour prendre sa décision. Si la réponse est positive, un délai minimum de 24 heures est accordé aux occupants illégaux pour partir, après quoi la préfecture devra faire intervenir les forces de l'ordre.
Des sanctions plus dures
Si la loi Kasbarian du 27 juillet 2023 ne change rien aux procédures existantes, elle renforce en revanche les peines encourues. Le squat est en effet décomposé en deux étapes qui constituent chacune un délit à part entière sévèrement sanctionné. La première infraction consiste dans l'introduction frauduleuse dans les lieux, passible de 2 ans de prison et 30 000 € d'amende, tandis que le second délit correspond au fait de se maintenir sur place (sans précision de durée) ce qui est également puni de 2 ans de prison et 30 000 € d'amende (article 315-1 du Code pénal).
Les sanctions sont encore plus élevées lorsque le squat cible un domicile puisqu'elles grimpent à 3 ans de prison et 45 000 € d'amende (article 226-4), sachant que la législation englobe ici « tout local d'habitation contenant des biens meubles », peu importe que le propriétaire y habite ou non et qu'il s'agisse de sa résidence principale ou non. La encore, le maintien dans les lieux est puni de la même peine.
Effet mitigé
Avec cette énième loi anti-squat, l'État mise clairement sur le pouvoir dissuasif des sanctions pour décourager les squatteurs. Hélas, comme l'ont dénoncé certains commentateurs lors de l'annonce du texte, des amendes si élevées soient-elles ont peu d'effet face à des personnes généralement en situation de précarité…
« La seule chose qu'il fallait réglementer pour obtenir des résultats réels, ce qui est aussi ce que la victime de ces faits souhaite avec ardeur, c'est de reprendre possession immédiatement et légalement des lieux squattés hors de tout processus judiciaire, et sans frais », écrivait François de la Vaissière, ancien avocat et chroniqueur pour les éditions Dalloz en janvier 2023. Or, sur ce point, la procédure accélérée s'en remet toujours au pouvoir discrétionnaire de la préfecture, alors que bon nombre d'avocats dénoncent justement la lenteur d'intervention des préfets – de quelques jours à plusieurs mois – qui rechignent à mettre dehors des personnes précaires.