Si le smic a encore augmenté en janvier, pour la huitième fois consécutive, c'est loin d'être le cas de tous les salaires en France. De quoi provoquer un effet de tassement préjudiciable aux travailleurs.
Dans bon nombre d'entreprises, le mois de janvier va de pair avec des négociations salariales. Car si le smic (salaire minimum de croissance) a une nouvelle fois augmenté, ce n'est pas le cas des autres salaires ! Et les travailleurs sont nombreux à ne pas trouver leur compte, comme le dévoile un récent sondage.
Des salariés en demande
Au mois de novembre, le cabinet de conseil en ressources humaines LHH dévoilait des prévisions de revalorisations salariales plutôt modestes pour ce début d'année 2024 puisqu'elles s'établissent entre 3 et 4 % selon les secteurs d'activité, en baisse par rapport aux chiffres 2023 qui atteignaient 4,75 % de hausse. Et encore, il ne s'agit évidemment là que d'estimations globales, la réalité pouvant être bien différente dans chaque entreprise…
Les travailleurs semblent d'ailleurs avoir décidé de prendre les choses en main, à en croire un sondage réalisé par Rosaly, une entreprise à impact social, puisque 55 % des participants ont prévu ou envisagent de demander une augmentation cette année. À noter que les femmes (42 %) sont ici plus téméraires que les hommes (31 %). Dans tous les cas, cette demande paraît parfaitement justifiée pour une majorité de sondés puisqu'ils sont 68 % (71 % de femmes et 65 % d'hommes) à considérer mériter davantage que leur paie actuelle. À l'inverse, 28 % estiment être rémunérés à la juste valeur de leur travail, mais dont 22 % dans la fourchette basse.
Un effet de tassement
Au-delà d'un simple ressenti subjectif, il y a une réalité économique : lorsque le smic augmente plus vite que les minima de branches, on aboutit à un effet de tassement qui réduit l'écart entre le salaire minimum et les salaires supérieurs. Or, cet effet est justement très fort à l'heure actuelle.
En effet, le smic est passé à 11,65 € brut de l'heure, soit 1 766,92 € brut mensuel au 1er janvier 2024. C'est la huitième hausse successive depuis janvier 2021. En l'espace de trois ans, ce salaire minimum a ainsi augmenté de 14,8 %, comme l'explique le site Vie-publique.fr, réalisé par la Direction de l'information légale et administrative rattachée aux services du Premier ministre. Une progression impressionnante mais pas étonnante puisque son montant est calculé sur la base de l'inflation.
Mais si la nouvelle a de quoi réjouir les 17,3 % de salariés du secteur privé non agricole payés au salaire minimum, soit 3,1 millions de travailleurs, les autres font pâle figure. D'ailleurs, « le nombre de branches avec des minima sous le smic augmente : avant la nouvelle hausse de janvier 2024, plus de 30 sur un total de 170 branches sont dans ce cas ». Une situation qui impose à l'employeur de combler l'écart, sous peine d'être sanctionné puisqu'il est illégal de payer un employé en dessous de ce salaire.
Un besoin de réforme ?
Si tout le monde s'accorde sur cet effet de tassement des salaires, les solutions pour y remédier sont diamétralement opposées en fonction des acteurs en présence.
Dans son rapport 2023 sur le salaire minimum de croissance, le groupe d'experts sur le smic prône ainsi une réforme du dispositif en fustigeant ses mécanismes de revalorisation : « En cas d'alternance de surprises inflationnistes et désinflationnistes, ils peuvent susciter "mécaniquement" une dynamique de hausse du smic supérieure à celle des indices salariaux de référence. » Pour les experts, ce dispositif de revalorisation automatique se substituerait alors à la négociation collective, affaiblissant le rôle de cette dernière.
À l'inverse, certains syndicats comme la CGT militent pour que « les augmentations automatiques du smic, suivant l'inflation, servent de référence pour tous les niveaux de salaire, de points d'indice et minima de branches », comme elle l'a expliqué sur son site web en décembre. La confédération générale du travail rappelle ainsi qu'entre 2022 et 2023, « les salaires minima proches du smic ont progressé de 6 %, alors que ceux qui sont plus au-dessus du smic ont augmenté moins fortement (3,5 % pour les minima supérieurs à 1,6 smic) ». De même, la CGT dénonce la politique de certaines entreprises qui privilégient les augmentations individuelles aux hausses générales de salaires, notamment pour les cadres, précisant qu'au second trimestre 2023, les salaires des ouvriers ont augmenté de 5,3 %, de 4,6 % pour les professions intermédiaires et de 3,8 % pour les cadres, pour une inflation qui était alors de 6,2 %.