Alors que les tatouages sont aujourd'hui largement démocratisés en France, ils véhiculent toujours des stéréotypes dans le milieu professionnel, comme l'a constaté une récente étude.
Bien qu'il soit difficile d'évaluer le nombre de personnes tatouées en France, un sondage Ifop de 2018 estimait que 18 % des adultes avaient adopté l'encre indélébile, soit près de 20 % de la population. Un chiffre qui aurait doublé en dix ans. Alors qu'on recensait plus de 5 000 salons de tatouage en 2021, contre à peine une vingtaine dans les années 80, ces dessins pratiqués sur la peau à l'aide d'aiguilles et de colorants ont ainsi connu un important essor et se sont largement démocratisés. Mais si les personnes tatouées peuvent à présent marcher dans la rue en toute décontraction, le monde de l'entreprise pose toujours des difficultés, à en croire une enquête menée par des enseignants-chercheurs à l'EM Normandie, une grande école de commerce, publiée fin janvier.
Le tattoo peu sérieux
Cette étude qualitative exploratoire, qui consistait en une première approche, a été menée auprès d'une vingtaine de candidats et recruteurs tatoués et non tatoués dans des emplois de bureau ou de service entre 2021 et 2023. Avec des motifs et couleurs variés, visibles et non visibles, ils représentaient une diversité de styles.
Or, si les auteurs, Vincent Meyer et Sarah Alves, ont constaté une évolution des mentalités et une acceptation globale du tatouage dans les discours, ils mettent également en avant l'existence de stéréotypes puissants au travail. « Une personne tatouée ne serait “pas sérieuse” (tatoué dans une banque), considérée comme “pas fiable, pas sérieuse, ni compétente, ni performante” et moins facilement recommandable à un client (recruteur tatoué dans les SI) et une femme tatouée serait “peu féminine” (recruteur dans l'industrie) », citent les chercheurs dans un article publié sur le média Theconversation.com. Pour les enseignants, « les discriminations à l'égard des personnes tatouées restent fortes, notamment dans certains secteurs d'activité plus conventionnels comme “l'audit” (tatoué dans l'audit) ou la “banque” (tatoué dans la banque) ».
Des dessins cachés
Alors que les tatouages revêtent le plus souvent une signification très personnelle, faisant partie intégrante de l'identité de leurs porteurs, les répondants confient les dissimuler dans leur travail par crainte d'être jugés négativement. En effet, « le tatouage n'est pas un problème dès lors qu'il n'est “pas visible” (recruteur dans les systèmes d'information, ou SI) et qu' “on peut le cacher” (recruteur dans l'industrie) », écrivent encore Vincent Meyer et Sarah Alves sur Theconversation.com. Et de préciser que « dès lors qu'il y a des interactions sociales, les tatouages semblent rédhibitoires », notamment en cas de contact avec des clients de l'entreprise. D'après les enseignants-chercheurs, cette auto-censure que s'infligent les personnes tatouées provoquerait « une véritable dissonance cognitive et émotionnelle qui n'est pas sans conséquence sur leur satisfaction et leur engagement au travail ».
Tout en enjoignant les entreprises à repenser leur politique d'inclusion, Vincent Meyer et Sarah Alves ont décidé de poursuivre leurs travaux à travers une seconde étude sur le tatouage. Les personnes tatouées travaillant en entreprise peuvent y participer en répondant à un questionnaire en ligne.