Si la démocratisation du télétravail offre de multiples opportunités aux actifs, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes pointe le risque d'une réassignation des mères à la maison…
Depuis son essor durant la pandémie, le télétravail fait l'objet d'une kyrielle d'études et d'enquêtes visant à évaluer les innombrables impacts de ce mode d'organisation du travail à distance, tant sur un plan professionnel que social, psychologique ou encore familial. À son tour, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) s'est penché plus spécifiquement sur les enjeux en matière d'évolution des carrières féminines à travers un rapport publié en février 2023.
Peu de recul
Malgré les avantages évidents du télétravail – réduction du temps de transport, flexibilité horaire, autonomie, meilleur équilibre, etc. – et le large plébiscite des actifs, l'institution estime que ce mode d'organisation présente certains risques, en particulier pour les femmes, du fait des inégalités préexistantes au sein des ménages. Le HCE cite notamment une enquête de l'Institut national d'études démographiques (INED) menée pendant le premier confinement de 2020, selon laquelle les femmes profitent moins souvent que les hommes d'une pièce dédiée à leur télétravail (25 % contre 39 %) et qu'elles sont aussi plus souvent interrompues (48 % vivent avec des enfants, contre 37 % pour ces messieurs). Plus encore, 37 % de celles qui télétravaillent 6 heures ou plus, consacreraient au moins 2 heures à des tâches domestiques, là où seuls 21 % des hommes font de même.
Ces chiffres sont bien entendu à prendre avec des pincettes puisque le cadre de vie du confinement était atypique. Bon nombre de salariés sont depuis retournés au bureau, tandis que ceux qui ont voulu profiter de jours de télétravail de façon pérenne ont pu mieux s'organiser et s'installer à leur domicile.
Des risques pro et perso
Il n'empêche, les dangers évoqués ne doivent pas être négligés. Le Haut conseil met ainsi en évidence que le télétravail peut aujourd'hui encore être perçu comme un mode de garde des enfants et réduire les opportunités de carrière des femmes puisque ce sont principalement elles qui sont concernées par le travail hybride (en partie à distance et en partie dans les locaux de l'entreprise). Alors que les différences de salaire restent importantes au sein des couples, le choix du télétravail est d'ailleurs fréquemment fait par la personne qui perçoit le plus petit revenu. Enfin, pour les victimes de violences domestiques ou de cyberharcèlement dans le cadre professionnel, le télétravail peut représenter un risque de surexposition non négligeable…
Des pistes à suivre
Pour éviter que ce mode d'organisation du travail ne vienne creuser les inégalités entre les sexes, le Haut conseil a formulé plusieurs recommandations. Développer des mesures de prévention des violences, garantir un droit à la déconnexion pour limiter la charge mentale, faciliter la garde des enfants en bas âge ou encore consolider les politiques d'entreprises visant à soutenir à la parentalité sont autant de pistes proposées. L'institution invite encore à développer le télétravail dans les tiers lieux – ni dans l'entreprise ni à domicile – pour éviter l'isolement et offrir de bonnes conditions de travail, mais aussi à mettre en place un suivi des carrières.