Alors que la féminisation des dénominations de professions fait depuis longtemps débat, un récent rapport adopté par l'Académie française a provoqué une petite révolution orthographique.
La langue de Molière est vivante. Elle doit par conséquent évoluer avec son temps. Mais jusqu'à présent, l'Académie française, l'institution chargée de normaliser et de perfectionner notre dialecte, faisait de la résistance pour tout ce qui concerne la féminisation des mots.
Une chasse gardée masculine
En français, c'est bien connu, le masculin l'emporte toujours sur le féminin. À l'écrit du moins. C'est tellement vrai que, mis à part quelques exceptions telles que « sage-femme », les dénominations des métiers ont toujours été masculines. Un choix orthographique de plus en plus considéré comme le symbole d'un sexisme éculé. On voit dès lors fleurir un peu partout des variantes orthographiques féminisant les professions lorsque celles-ci sont exercées par ces dames.
Loin d'encourager ces pratiques, l'Académie française était auparavant on ne peut plus hostile à ces remaniements de la langue. Dans les années 90, l'institution avait par exemple condamné l'emploi de « la députée » ou de « la ministre ». Mais il faut vivre avec son temps et les Immortels semblent l'avoir enfin accepté.
Des règles à respecter
Lors de sa séance du 28 février, l'Académie française a adopté, à une écrasante majorité (seulement deux voix hostiles), un rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Et, en l'occurrence, la révolution réside dans le fait que l'institution valide essentiellement des pratiques déjà établies, plutôt que d'imposer sa doctrine sur le sujet. Bien que les Immortels reconnaissent que cette évolution de la langue est naturelle, ils rappellent toutefois quelques règles orthographiques de bon sens.
La plupart des noms de métiers manuels sont ainsi depuis longtemps féminisés. Lorsqu'ils se terminent par une consonne, il suffit en effet d'ajouter un « e » pour les décliner. C'est le cas d'artisane, croupière, maçonne, mécanicienne, cheminote ou encore jardinière. Dès lors qu'un verbe correspond au nom, on utilise par ailleurs le suffixe « euse », comme dans contrôleuse, carreleuse ou chercheuse.
Des points d'achoppement
Si beaucoup de féminisations de métiers ne posent pas de problème, certaines font en revanche l'objet de débats enflammés.
Tandis que les termes « professeure » ou « docteure » irritent les conservateurs, l'ajout du « e » aux mots finissant en « eur » ne choque plus l'Académie qui affirme dans son rapport qu'il « ne constitue pas une menace pour la structure de la langue ».
De même, alors que certains noms de métiers donnent lieu à différentes déclinaisons sans qu'on sache laquelle choisir, l'institution a enfin émis une indication. Comment appelle-t-on par exemple une femme qui a la position de chef ? Il faut ici oublier les créations du type « cheffesse », « chève » ou « cheftaine » et privilégier le mot « cheffe » qui est le plus employé. Même chose pour « auteure » qui supplante « authoresse » ou « autrice », bien que ce dernier soit plus conforme. Quant au terme « écrivaine », jusqu'ici rejeté par l'Académie, le rapport constate qu'il « se répand dans l'usage sans pour autant s'imposer ».
Focus : la forme avant l'usage
Il faut remarquer que ce sont parfois les pratiques qui sont en retard par rapport à la langue. Le rapport de l'Académie française note ainsi que le Journal officiel utilise depuis longtemps des termes féminins en matière de grade ou de titre, tels que « commandeure », « chevalière » ou « officière ». Mais personne ne les emploie.
Alors que les dictionnaires proposent la forme « avocate », les membres du barreau rechignent par ailleurs encore à l'utiliser. Même constat pour « bâtonnière », toujours non grata dans le langage.